Depuis plus d’un an, l’ancien président bolivien Evo Morales est en conflit ouvert avec son ancien ministre Luis Arce, à la tête du pays de 11 millions d’habitants depuis 2020. Bien qu’ils appartiennent tous deux au Mouvement vers le socialisme (MAS), ils se livrent une lutte acharnée pour le pouvoir. «Nous sommes confrontés à une crise multiple (...) la crise politique, probablement la plus importante, a exacerbé toutes les autres», observe Daniel Valverde, professeur en sciences politiques à l’université Gabriel René Moreno de Santa Cruz.
La rivalité entre l’actuel et l’ancien chef d’Etat, aggravée par un manque de dollars qui entraîne une pénurie de carburants, alimente un climat de contestation généralisée et accentue le discrédit envers les autorités et les institutions.
La Bolivie en proie à une crise politique et institutionnelle
Evo Morales cherche à revenir au pouvoir
Evo Morales, premier président indigène du pays (2006-2019), cherche à revenir au pouvoir, accusant son successeur Luis Arce de manoeuvrer pour l’évincer de la course à l’élection présidentielle prévue en août 2025. Début novembre, la Cour constitutionnelle a confirmé l’interdiction pour un président d’exercer plus de deux mandats, semblant mettre un terme à toute possibilité pour Evo Morales de se représenter. Sauf que...
Élections judiciaires et instrumentalisation de la justice
En 2011, la Bolivie a été le premier pays au monde à organiser des élections populaires pour désigner les juges de ses tribunaux supérieurs, arguant qu’elles seraient plus impartiales. Pourtant, 60% des électeurs votèrent nul, exprimant leur méfiance envers le système. Des élections judiciaires sont prévues en Bolivie le 15 décembre, et une nouvelle composition des juges du Tribunal constitutionnel pourrait aboutir à une revision de l’arrêt interdisant à Morales de se présenter au scrutin présidentiel.
Le fait que le Parlement présélectionne les candidats pourrait favoriser des «intérêts partisans», note Gustavo Flores-Macias, chercheur à l’université américaine de Cornell. «C’est la culture politique bolivienne, dans laquelle les institutions sont subordonnées aux intérêts politiques», souligne Ana Lucia Velasco, politologue spécialisée dans l’étude de la polarisation en Bolivie.
Selon le classement mondial de l’Etat de droit du World Justice Project, la Bolivie se classe 131e sur 142 pays étudiés en matière d’application des lois. Autre signe de l’instrumentalisation de la justice bolivienne, les nombreux rebondissements dans l’enquête visant Morales pour le viol présumé d’une mineure pendant son mandat.
Une crise économique et sociale aggravée
Après l’annulation d’un premier mandat d’arrêt, un nouveau a été annoncé sans jamais se concrétiser. La semaine dernière, le parquet a affirmé disposer de «nombreux indices», sans pour autant en révéler la nature, promettant une «surprise» à venir. Pour Daniel Valverde, la manière dont l’affaire est gérée illustre «l’instrumentalisation de la justice». «Plus que de le poursuivre ou de l’arrêter, ils cherchent à l’exposer pour renforcer le rejet à son égard. Et ils y parviennent.» L’affaire a toutefois entraîné les partisans de Morales à bloquer les principales routes du pays, aggravant la crise.
L’inflation a grimpé en flèche, la pénurie de carburant s’est amplifiée. «Nous avons connu de belles années», dit une épicière, entourée d'étals désormais fermés sur un marché de La Paz, capitale d’un pays en crise. «Mais maintenant, ils se battent entre eux.»
- Conflit entre Evo Morales et Luis Arce
- Crise politique et institutionnelle
- Instrumentalisation de la justice
- Crise économique et sociale
La Bolivie, plongée dans le chaos, semble loin de trouver une issue à ses multiples crises.