Zones interdites, tirs de missiles et balles perdues: l’aviation civile, qui fait de la sûreté sa clé de voûte, compose de plus en plus difficilement avec l’extension des zones d’hostilités.
Depuis le début du développement des voyages aériens, des avions de ligne ont été abattus, détruits par des bombes ou détournés. Mais les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, des coups d’État en Afrique sahélienne et le développement de zones de non-droit créent un casse-tête pour la planification de liaisons long-courrier, à un degré sans précédent selon des professionnels.
Aggravation de la situation
Interdictions et restrictions
L’Association internationale du transport aérien (Iata), qui fédère plus de 320 compagnies, a fait allusion à cette aggravation de la situation, son directeur général Willie Walsh appelant début octobre les belligérants à ne pas s’en prendre aux avions civils, «même au plus fort des hostilités».
Un mois plus tard, un avion arrivant de Floride a essuyé des tirs lors de son approche de Port-au-Prince. L’administration fédérale de l’aviation civile (FAA) a suspendu pendant un mois la desserte d'Haïti par des compagnies américaines.
Zones à risque
Chaque pays est libre de fermer ou de restreindre l’accès à tout ou partie de son espace aérien. Et chaque autorité nationale de l’aviation civile peut interdire des zones aux avions relevant de sa juridiction. La conjonction de ces interdictions ou conseils d’évitement aboutit, pour des compagnies occidentales, à une carte du Moyen-Orient et d’Afrique coloriée en orange ou en rouge:
- Israël
- Liban
- Syrie
- Iran
- Irak
- Yémen
- Soudan
- Libye
- Mali
Russie et Ukraine
Plus au nord, la Russie, qui s'étale sur 11 fuseaux horaires, a interdit son survol début 2022 aux avions européens et américains en riposte aux sanctions liées à son invasion de l’Ukraine. «On a déjà connu des restrictions, mais je dirais que là, on est cernés», témoigne un pilote de ligne expérimenté, «tout ce que je ne peux pas survoler, ça représente une part assez conséquente du territoire mondial».
Irak et mer Rouge
Même fragilité sur un autre point de passage vers l’Est: l’Irak, dont le survol sous 32'000 pieds (9750 mètres), non loin du plafond opérationnel des jets, présente un risque «élevé», et ce «en raison de la présence de divers armements antiaériens et de bombardements de missiles ou de drones impromptus», selon l’Agence européenne de sécurité aérienne (AESA).
Quant au couloir aérien de la mer Rouge, il passe entre l’immense Soudan et le Yémen, deux pays en guerre civile. Les compagnies de certains pays (Chine, Turquie...) non concernés par les représailles russes et traversant l’Iran même après les tirs de missiles sans avertissement préalable contre Israël début octobre, ne s’imposent pas les mêmes contraintes, ajoutant au désavantage compétitif des compagnies occidentales.
Mémoire collective
Pourtant, la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines au-dessus de l’Ukraine (298 morts) par un missile sol-air en 2014 reste ancrée dans les mémoires au niveau mondial.
Contraintes différentes et concurrence biaisée
Les compagnies aériennes occidentales doivent naviguer dans un environnement de plus en plus complexe et dangereux. Les restrictions et interdictions de survol imposées par divers pays compliquent la planification des vols et augmentent les coûts opérationnels. Cette situation crée un désavantage compétitif pour les compagnies occidentales par rapport à celles des pays non concernés par les mêmes contraintes.
En conclusion, la cohabitation entre les tirs de missiles et l’aviation civile devient de plus en plus difficile, nécessitant une vigilance accrue et une coordination internationale pour assurer la sécurité des vols commerciaux.