La police géorgienne a tenté de mettre fin vendredi aux manifestations pour l’intégration à l’Union européenne. Pour la deuxième soirée consécutive, la police anti-émeute géorgienne a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau contre des milliers de manifestants à Tbilissi après la décision du gouvernement de suspendre les négociations d’intégration à l’Union européenne.
Manifestations pour l’intégration à l’Union européenne en Géorgie
La Géorgie est en proie à une crise politique depuis que le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, a proclamé sa victoire aux élections de la fin octobre, des résultats que l’opposition et la présidente Salomé Zourabichvili contestent. Cette ancienne diplomate française élue en 2018 dans son pays d’origine, entrée en conflit avec le parti au pouvoir, a exprimé vendredi soir sa solidarité avec le «mouvement de résistance».
Conflit politique et répression
Le gouvernement, accusé de dérive autoritaire prorusse, a déclenché jeudi une nouvelle vague de mobilisation en annonçant repousser jusqu’à 2028 toute négociation d’intégration dans l’Union européenne, un objectif de longue date de l’ex-république soviétique. Des milliers de personnes se sont rassemblées vendredi soir devant le Parlement dans le centre de la capitale à l’appel de l’opposition pro-européenne, après l’arrestation d’une quarantaine de manifestants la nuit précédente à l’issue d’une dispersion violente de la manifestation.
Violences et réactions internationales
La police anti-émeute a de nouveau utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau contre les manifestants, qui de leur côté jetaient des œufs et lançaient des fusées d’artifice, selon des journalistes de l’AFP sur place. La chaîne de télévision indépendante Pirveli a affirmé qu’une de ses journalistes avait été hospitalisée avec des blessures graves après avoir été battue avec son cameraman par la police. Le Ministère de l’intérieur a de son côté affirmé que deux de ses hommes avaient été blessés et que «les mesures prévues par la loi avaient été prises pour calmer la situation».
Réactions internationales
La présidente Salomé Zourabichvili a déclaré dans un discours télévisé que le mouvement de résistance avait commencé. «Nous resterons unis jusqu’à ce que la Géorgie atteigne ses objectifs: revenir sur la voie européenne et obtenir de nouvelles élections», a-t-elle ajouté. La France a de son côté appelé vendredi au «respect du droit de manifester pacifiquement» et souligné «soutenir les aspirations européennes» de la Géorgie, «qui ne doivent pas être trahies». Des manifestations avaient également lieu dans plusieurs villes de Géorgie vendredi, selon la chaîne de télévision Mtavari.
Accusations de dérive autoritaire
Le Rêve géorgien et le gouvernement qui en est issu sont accusés par leurs détracteurs de détourner cette ex-république soviétique de son ambition d’intégrer l’Union européenne et, au contraire, de vouloir rapprocher Tbilissi de Moscou. La Géorgie a obtenu officiellement le statut de candidat à l’adhésion en décembre 2023, mais Bruxelles a depuis gelé le processus, accusant le gouvernement d’opérer un grave recul démocratique. Si les autorités assurent toujours avoir l’intention de rejoindre l’UE en 2030, elles ont annoncé jeudi soir repousser la question jusqu’à la fin de l’année 2028.
Répression brutale des manifestations
Jeudi soir et vendredi matin, la police anti-émeute avait tiré des balles en caoutchouc et fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau, frappant des manifestants et des journalistes devant le Parlement, a constaté un journaliste de l’AFP. En face, les manifestants avaient érigé des barricades qu’ils ont enflammées. Selon le Ministère de l’intérieur, «43 personnes ont été arrêtées» dans la nuit de jeudi à vendredi. Selon lui, 32 policiers ont été blessés «à la suite des actions illégales et violentes des manifestants». L’opposition boycotte le nouveau Parlement et les manifestations se succèdent, jusqu’à présent sans faire plier le pouvoir.
Condemnations internationales
Le Conseil de l’Europe a condamné la «répression brutale des manifestations» à Tbilissi, s’alarmant aussi de la décision du gouvernement géorgien de suspendre ses négociations avec l’UE. Amnesty International a dénoncé une volonté de «supprimer toute dissidence par le recours illégal à la force policière». L’Ukraine, qui avait elle-même connu en 2014 une révolution pro-européenne après que les autorités de l’époque avaient tenté sous la pression de Moscou de suspendre le rapprochement avec l’UE, a dénoncé un «recours à la force» et une «limitation des processus démocratiques» opérés selon elle «pour plaire à Moscou».
Le Parlement européen a adopté une résolution rejetant les résultats des législatives en Géorgie, dénonçant des «irrégularités significatives». Le texte exige qu’un nouveau scrutin soit organisé dans un délai d’un an sous supervision internationale et que des sanctions soient prises à l’encontre de hauts responsables géorgiens, dont Irakli Kobakhidzé. En réponse, ce dernier, en fonction depuis février et confirmé jeudi par les députés, a accusé le Parlement européen de «chantage».