Dans une forêt bavaroise, un drone de reconnaissance noir bourdonne, tel un moustique surdimensionné, piloté par des soldats américains désireux de moderniser leur armée et d’appliquer les enseignements de la guerre en Ukraine. Bon marché et de plus en plus présents, les drones ont changé les logiques du champ de bataille, particulièrement en Ukraine où Moscou et Kiev les utilisent pour des attaques ou la surveillance des troupes ennemies.
Avec la multiplication de ces outils, l’Ukraine «est un champ de bataille transparent», explique le général de brigade Steve Carpenter lors d’un entraînement, en présence de l’AFP, sur la base militaire américaine de Hohenfels, en Bavière. «C’est pourquoi les troupes sont terrées dans des bunkers ou se déplacent constamment. Si vous vous arrêtez, vous êtes morts», ajoute-t-il.
Des unités plus petites et plus mobiles
Adaptation rapide face au conflit
Le conflit qui dure depuis bientôt trois ans a précipité les changements au sein de l’armée américaine, affirme le chef d’état-major Randy George. Les unités déployées sont devenues plus petites et plus mobiles, pour être plus difficiles à cibler.
Exercice en Bavière
Lors de l’exercice organisé en Bavière pour des soldats de la troisième brigade appartenant à la 10ème division de montagne, le quartier général a changé quatre fois de position en neuf jours, avec généralement pas plus d’une vingtaine d’hommes présents en même temps. En Irak ou en Afghanistan, la capacité dans un poste de commandement était d’une centaine de soldats. La leçon la plus importante à tirer de la guerre en Ukraine «est la rapidité avec laquelle nous devons changer», insiste Randy George qui observe l’exercice et prédit une armée plus «flexible, agile et adaptable».
Les forces américaines veulent aussi accélérer leur capacité d’approvisionnement. À Hohenfels, l’armée teste de nouveaux camions General Motors, un modèle civil réaffecté à un usage militaire en trois mois, peut-être un temps record, estime Alex Miller, conseiller technologique. Mais développer les capacités guerrières des drones pourrait s’avérer plus complexe.
Défis logistiques et industriels
Car plusieurs des pièces utilisées en Ukraine sont construites en Chine, dont Washington ne veut pas dépendre pour son équipement militaire, sur fond de tensions commerciales grandissantes entre les deux puissances. Celles-ci pourraient s’aggraver avec le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump, qui a déjà annoncé des droits de douanes supplémentaires de 10% sur les importations de produits chinois.
Depuis des décennies, les capacités industrielles de la première puissance mondiale s’érodent, le nombre de personnes employées dans les industries de défense américaines ayant chuté de 1,9 million, soit 63,5%, par rapport à 1985, selon le ministère de la Défense. «L’industrie américaine n’a pas la capacité de produire des drones comme les Chinois», dit sans détour le colonel Dave Butler, conseiller en communication du chef d’état-major.
Selon lui, une seule personne a les moyens de fabriquer en masse des drones pour les États-Unis: Elon Musk grâce à ses usines Tesla de véhicules électriques, qui produisent davantage leurs propres composants que ses concurrents.
«Si nous devions subitement appuyer sur un bouton et fabriquer 10 000 drones par mois, seul Elon pourrait le faire», imagine-t-il. L’entrepreneur multimilliardaire est omniprésent sur la scène politique américaine depuis que le président Donald Trump en a fait l’un de ses plus proches conseillers.
Les États-Unis ont besoin d’aide pour combler des besoins immenses, confirme Alex Miller. «Nous essayons d’encourager la production américaine de contrôleurs de vol («cerveau» du drone), de caméras et d’antennes», explique-t-il.
«Mais nous ne pouvons pas être les seuls à le faire, l’Europe doit aussi y participer». Le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth, effectue cette semaine son premier déplacement sur le Vieux continent, avec une étape lundi pour rencontrer le personnel militaire américain stationné en Allemagne.